Ils sont passionnés de musique, mais pas forcément musiciens. Indispensables au réseau musical indépendant, ils s'activent A l'ombre des scènes, pour que les décibels jaillissent.

Témoin de la scène rock indépendante française passée et actuelle, Yan Kerforn est un touche à tout. Chroniqueur pour son fanzine Cafzic, contributeur au Cafémusic, animateur d'Electric Troubles sur Radio MDM, ce passionné 100% montois garde intact ses convictions pour la scène qu'il défend.

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Kaput Brain webzine : Bonjour Yan, merci de te prêter aux questions de Kaput Brain webzine. Tout d’abord pour commencer cette interview, peux-tu te présenter en quelques mots ? 

Yan : Avant tout un grand merci pour les questions à venir et l’intérêt j’adore le principe c’est pour ça d’ailleurs que je fais aussi un max d’interview dans mon émission radio ! Je m’appelle donc Yan Kerforn, j’ai 50 ans, femme et enfants, je suis infirmier dans un établissement alliant soins psychiatriques et études dans les Landes à Aire sur l’Adour depuis 20 ans maintenant.
 

KB : D’où tu viens ta passion pour la musique ?

Y : Comme tout le monde ma passion pour la musique s’est construite au fur et à mesure en lien avec des rencontres, on ne se fait pas tout seul. La première rencontre fut celle de mes parents eh eh ! Musique sud américaine engagée très à gauche, chants révolutionnaires mais aussi les Floyd, Genesis, Bobby Lapointe, Ferrat, Kraftwerk, Tangerine Dream, Paco Ibanez, un magneto à bandes, etc… J’ai fait du saxo en arrivant dans les Landes de 81 à 85 je crois, pas mon truc. 1er disques achetés, deux Police, puis deux Genesis, 83-84 je crois… Depuis 85-86 mes parents ont leur troisième maison sur Mt de Marsan, de l’autre côté de la clôture il y a un jeune comme moi, il s’appelle Domi, fan des Cure, moi j’ai commencé à acheter d’autres skeuds sur le marché devant les fameuses arênes de 77, Parabellum, les Rats, Les Thugs, on découvre notre zique, on discute. Si depuis j’ai roulé ma bosse niveau investissement zique lui en a fait de même aussi, il est aujourd’hui régisseur du Cafémusic local, comme quoi les rencontres ne sont pas toujours des hasards. Je continue à écouter de plus en plus de rock teigneux … 1988 pour ma première tentative de bac, trop naze en maths j’ai un prof particulier il fait une émission radio le dimanche matin sur la radio locale. Il arrête je le remplace, c’est sur Radio Marsan, radio associative liée au Parti Socialiste, mon père y avait fait peu de temps avant une émission, je me rappelle d’une pièce de théâtre sur la « Commune », Radio Marsan deviendra Radio MDM j’y suis aujourd’hui…elle n’est plus socialiste ! Hu hu ! Je passe autant de la chanson que du rock d’ailleurs à cette époque. Une nouvelle rencontre, « Maï » vient à l’émission me fait découvrir mes premiers émois punks à l’ancienne, Stiff Little Fingers, Ruts… En 89, 2ème bac celui là je vais l’avoir, Véronique de ma classe me présente les Joy Division, New Order, etc… Une bonne base. Fin 89 je débarque à la Fac j’y reste 4 ans, pas mal de concerts, les Sheriff, Noir Désir, la Mano, Therapy, Wedding Present, Iggy Pop, Pixies, etc…bref ma période alterno et ma période inrocks que j’écoute tous les soirs (j’y enregistre 3 tonnes de live), je copie beaucoup de trucs de la démothèque Doremi à Bordeaux. Fac qui n’a servi à rien et service militaire passés (10 mois comme pompier), je reviens à Mont de Marsan parce que je viens de réussir 4 concours infirmiers et je choisis donc de faire mes études dans ma cité plutôt que Bordeaux. Je rentre à l’école en sept 96…, j’y reste jusqu’en décembre 99 jour du diplôme validé. Début 97 ou genre décembre 96, Domi toujours voisin de mes parents me dit depuis quelques temps tu devrais venir au Cafémusic, il y est bénévole depuis récemment… Je viens voir un premier concert de Edgar de L’Est et rapido…je deviens bénévole comme lui pour la scène…, déchargement, montage, démontage, changement entre les groupes et je commence sur…les Sheriff évidemment ! Bim bam boum…j’ai fait pendant des années tous les concerts, j’y ai connu ma futur épouse (Au Cafémusic), etc, etc…ma base quoi. Au bout d’un an de bénévolat j’ai créé le zine pour profiter des rencontres sur place avec les artistes, il est toujours le zine de la salle de concert, mon acte de bénévolat c’est ça là-bas, je ne suis plus au concert, la prog est moins mon truc c’est une évidence et comme pour tout adulte, la vie est parfois assez complexe donc on fait d’autres choses. Oups tu me disais en quelques mots…tu rêvais trop fort ! ça m’est impossible.

KB : Peux-tu présenter en quelques mots Cafzic, le fanzine dont tu es responsable ?

Y : En quelques mots ? Je vais y veiller. Interviews et chroniques, Rock, punk et toute la famille, c’est assez commun dans le monde des zines, enfin ça l’était et surtout illustrations, le mélange des deux faisant notre particularité. Oui j’en tire une réelle fierté.
 

KB : Comment t’es venu l’idée et l’envie de créer ce fanzine ?

Y : Alors prenons les choses dans l’ordre. Un an de bénévolat au Cafémusic, je me dis que c’est con d’avoir des artistes, de parler avec eux et de ne pas en profiter pour des interviews. Je demande à la radio où j’avais officié s’ils n’ont pas un créneau horaire pour moi, réponse négative, normal l’année est commencée. Je note l’idée de monter un zine, au Cafémusic qui est devenu ma maison de cœur, ma famille rock j’en parle à Patrick (R.I.P) de l’asso L.M.A qui gère la prog, Patrick c’est à l’époque notre mentor à tous, il le restera jusqu’à son décès, un dimanche noir pour nous tous. Patrick me dit banco, L.M.A financera le fanzine et depuis que L.M.A est parti du lieu c’est l’A.M.A.C l’asso qui le gère maintenant qui le fait. J’ai tellement de chance. Cafzic s’intéresse essentiellement aux formations rock, à dominance punk ou garage.
 

KB : Pourquoi ce choix éditorial ?

Y : Au départ étant bénévole au Cafémusic, j’ai interviewé plein de groupes de styles différents, je prenais ce qui venait. Au bout de quelques années, étant moins présent au concert, ayant créée une nouvelle émission radio, m’étant attaqué aux chroniques, j’ai commencé à sélectionner les styles, on ne peut pas tout faire et surtout c’était ma culture musicale, ce qui me touchait le plus.
 

KB : Cafzic s’est créé en partenariat avec la SMAC Le CaféMusic’ de Mont-de-Marsan. En quoi consiste-t-il ?

Y : En dehors de ce que je viens de t’expliquer, j’ai eu fêté quelques anniv Cafzic là-bas en ayant les coudées franches pour la prog, bref il finançait je programmais. Il y a même eu deux fiestas Cafzic avec concerts, fresques et stands en pleine ville. Le fait que j’ai crée une asso de concerts depuis à limiter mes demandes dans ce lieu. Mon courrier arrive toujours là-bas, enfin de moins en moins because informatisation de la zique, download, etc… Le Cafémusic reste quand même pour moi la base, j’y discute, j’y prends des infos, je demande conseil, ils sont bienveillants pour différentes choses.

KB : Tu n’es pas le seul à rédiger ou réaliser les illustrations de Cafzic ? Comment se passe tes collaborations ? Es-tu le seul maître à bord pour la mise en page et les choix éditoriaux ?

Y : Je suis le seul à tout rédiger. Je ne cherche plus des collaborateurs à ce niveau c’est plus simple pour moi, pour la régularité aussi et on ne va pas se leurrer, le Cafzic à 23 ans parce que j’assure la continuité. La base du zine musicalement c’est mon émission radio, j’y fais toutes les interviews. Au niveau des illustrations, c’est ma grande fierté, j’ai réussi à former une belle équipe, petit à petit, j’entretiens les liens, je propose, une cinquantaine d’illustrateurs sont passés par le zine, certains sont là depuis très longtemps. Je ne dessine pas, mon rapport au dessin c’est eux. Sans eux le Cafzic serait banal, normal, un zine lambda, je leur dois tout, je le sais.

KB : Cafzic est disponible à la lecture en numérique dans son format fanzine. Existe-t-il une diffusion physique ?

Y : Le Cafzic est un zine papier depuis 23 ans, la version internet est récente, 5/6 ans je pense. Bien évidemment cette dernière est la plus suivie, juste une histoire d’époque, elle est moins couteuse puisque 0 coût. Les deux sont complémentaires. Le confinement a largement augmenté le potentiel internet. Aujourd’hui, les webzines côtoient les fanzines quand ils ne les supplantent pas.

KB : As-tu déjà pensé à faire de Cafzic un site internet à part entière ?

Y : Non c’est beaucoup trop de travail, je me cantonne à un mode de fonctionnement, il me permet aussi de continuer à vivre à côté !  J’ai une famille, une émission radio, un zine papier, des orgas de concerts, je suis infirmier à plein temps donc tu as compris, pas le temps de m’éparpiller, je passe déjà énormément de temps là-dessus.

En parallèle des parutions du fanzine, des compositions régulières
sont à découvrir sur Bandcamp.

KB : Cafzic existe depuis bientôt 25 ans. Quel regard portes-tu sur l’évolution de la scène indépendante et du fanzinat en France ?

Y : Le fanzinat rock s’est évaporé, dommage, c’est triste mais c’est un domaine de passionné, il faut s’investir, bosser, contacter, je pense que ça peut faire fuir. C’est plus simple de gueuler "Allez l’OM" ou "Paris est magique". Pour la scène indé, je pense que si tout se fait aujourd’hui à un petit niveau, il y a quand même une multitude de projets, de groupes, une réelle organisation, pour quelqu’un comme moi qui fait un zine c’est du pain béni, des tonnes de groupes excellents. Le seul truc qui me rend triste c’est que majoritairement tout m’est envoyé par mail, je regrette que les groupes aient moins de moyens mais je pense qu’eux aussi !  

KB : Au-delà du fanzine, tu t’occupes d’Electric Troubles, émission diffusée sur radio MDM depuis 14 ans. Comment es-tu devenu animateur ?

Y : Je t’ai tout expliqué avant mais je te donne des précisions. Ma première émission s’appelait « Hotel Mombar » (morceau de Kortatu) sur Radio Marsan donc. La deuxième je ne me rappelle plus nom, ah si « Quetchoup » je l’ai commencée avec Rémi batteur de Swad, futur batteur des Hurlements d’Léo. La troisième qui est en cours depuis 14 ans est donc Electric Troubles que pour la petite histoire j’ai commencé avec le grand, l’illustre Seb batteur de Seven Hate qui était devenu montois mais vous connaissez Seb…il a rapidement eu autre chose à faire.
 

 

KB : J’ai lu également que tu présidais une association qui organisait des concerts au Mont-de-Marsan. Peux-tu également nous en dire quelques mots ?

Y : Pendant des années j’ai essayé de caler des trucs à droite à gauche, je ne pensais pas à monter une asso parce que pour ça il faut savoir avec qui le faire et peut-être même que je n’étais pas vraiment prêt à partager le concept. C’est vrai que j’ai le réseau, programmer des groupes que je choisis c’est encore un de mes trips. La conception de l’asso s’est faite sur ma proposition avec des amis du Cafémusic, des amis déjà branché rock’n’roll et puis ma femme évidemment…valait mieux, les artistes dormant à la maison. Des amis du marché donc, on s’y retrouve très souvent, on picole on se marre on discute. L’asso a finalement bien vécu et le Covid 19 l’a peut-être bien faite mourir vas savoir ! On a fait deux concerts en collaboration au Cafémusic, le reste dans une salle de ciné sans les sièges et gentiment mise à dispo, 90 places mais aussi dans un bar, RIP le Potcheen ancienne version, et dans une librairie essentielle dans notre cité, la grande et fabuleuse Librairie Caractères. Comme partout, tout s’est arrêté, on est donc forcément orphelin. Notre asso a eu une belle prog, très belle même selon moi, avec les moyens que nous avions, je t’en cite quelques uns… Lane évidemment, pour des fans c’est une formidable récompense, Mighty Bombs (Suisse), Listener (USA), Dirty Fonzy, Las Furias, Graveyard Johnnys (Pays de Galles) Shut Up ! Twist Again ! Cannibal Mosquitos, Maladroit, Lie Detectors (Pays Basque espagnol), The Lizards (Espagne), Robot Orchestra, etc, etc…
 

KB : Existe-il des liens particuliers entre chacune de tes activités ou sont-elles complètement dissociées ?

Y : Tout est lié et complémentaire sans aucune hésitation. Quels sont tes projets à venir pour le fanzine ou tes autres activités ? Continuer et continuer…parce que la continuité c’est mon trip, monter un projet c’est une chose assez simple, le faire vivre c’est mieux. Les baisses de morales on s’en fout, le vent contraire on l’affronte, les grincheux qui te font chier on leur marche dessus ! ! ! J’ai une passion, la zique, j’ai une autre passion les rencontres et encore une autre qui consiste simplement à m’intéresser aux travail des autres. Attention je précise que je ne vie pas à travers les autres. Enfin je considère que ce que je fais est important, une sorte de relais, plutôt bienveillant parce que je m’intéresse à ce que j’aime bien majoritairement. Je ne suis pas le seul à faire ce genre de choses, je ne suis pas unique ni plus important, je suis un maillon d’une chaîne, avant moi il y en a eu plein, après moi il y en aura d’autres mais je pourrais simplement plus tard, dire, j’y étais.

KB : Un dernier mot pour conclure cette interview ?

Y : Vivre plutôt que subir. Vibrer par le son, par les rencontres. Être attentif au sourire, remercier les gens biens, partager les moments. Merci m’sieur.

Interview réalisée par mail en juillet 2020.
Baron Nichts

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