Ils sont passionnés de musique, mais pas forcément musiciens. Indispensables au réseau musical indépendant, ils s'activent A l'ombre des scènes, pour que les décibels jaillissent.

Guillaume fabrique, conçoit, améliore et répare des pédales d'effets au sein de son atelier MSM Workshop depuis dix ans. Pour Kaput Brain webzine, l'artisan évoque son activité polyvalente et finalement peu répandue dans le monde merveilleux des guitaristes. 

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Kaput Brain webzine : Bonjour Guillaume, merci de prendre le temps de répondre à quelques questions pour Kaput Brain. Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Guillaume : Bonjour ! Je suis Guillaume Martinod, 40 ans cette année et je suis à la tête d'MSM Workshop depuis 2010.
 

Guillaume à son atelier

KB : Ton activité à Amiens au sein de l’atelier MSM Workshop est de modifier et de créer des pédales d’effets à destination essentiellement des guitaristes. Comment décrirais-tu simplement ton activité ?

G : Comme tu l'as dit, je la décrirais simplement comme un atelier dédié aux pédales d'effet mais pas que. Fabrication custom, modification et réparation.  J'essaie de répondre à un maximum de besoins qu'on les guitaristes face aux pédales.  Je rends aussi pas mal d'autres services aux musiciens du coin.
 


KB : Comment t’es venu l’idée de monter cet atelier ? As-tu suivi une formation spécifique ? J’imagine qu’il n’existe pas d’école comme pour les luthiers.

G : Alors non, il n'existe pas d'« écoles de pédalistes » (Rires) ! La genèse est venue de mes propres réparations et modifications sur mes pédales d'effets que je faisais dans un souci d'économie pour ne pas racheter de nouveaux modèles. Mes amis et leurs amis me demandant d'en faire autant pour eux, mon meilleur pote m'a dit un jour  : « Tu devrais en faire une boite ! ». Pris d'abord comme une idée folle, je me suis rendu à l'évidence que les demandes grandissaient au fil des mois pour des gens que je ne connaissais pas. Le bouche à oreille a fonctionné dans la région avec les groupes au sein des locaux de répètes. Le projet était lancé et j'y suis encore !

KB : Que signifie l’acronyme MSM ?

G : MSM signifie "Multi Service Music", premier nom officiel de mon projet vite raccourci pour MSM Workshop, l'anglicisme étant vite de mise en musique. Je souligne qu'en douze ans tu es le premier à me le demander (Rires) !

KB : Il est jamais trop tard pour poser les bonnes questions ! Quel statut as-tu choisi pour créer MSM Workshop ? Travailles-tu seul et vis-tu de ton activité ?

G : Absolument seul, en auto-entrepreneur. Je vis pleinement d'MSM depuis sept ans maintenant.  

KB : Au delà des murs de ton atelier, es-tu le seul en France à proposer ce type de services ? Et à l’international ?

G : Au-delà de la vitrine MSM sur le web qui concerne les pédales, je propose aussi à mon atelier des travaux sur des câbles, des guitares (réglages d'action, courbure de manche, intonation, sillet … ) et occasionnellement sur des amplis même si je manque de place dans mon atelier. Je répare aussi diverses choses.

En France, il existe quelques adresses dédiées aux pédales mais soit pour des modifications ou des fabrications, moins polyvalentes et actives que moi. A l'international, il y a les grands noms de la modif. 

Un nettoyage d'ampli au bicarbonate chez MSM

 

KB : Tu modifies des pédales à partir de modèles existants que tes clients t’envoient ou que tu achètes toi-même. Comment constitues-tu ton catalogue ? Glanes-tu des schémas existants sur le web ou crées-tu les tiens ? 

G : Question multiple pour les multiples activités d'MSM ! Le catalogue de modification à démarré sur la base de mes propres effets. Ensuite, au fil des demandes des clients, j'ai ajouté certaines références. Il y a des demandes précises et d'autres qui réclament des modifications déjà existantes. Parfois, on me demande si je peux poser une modification d'un grand nom en y apportant une touche personnelle. Je ne sais jamais trop quoi répondre à car je ne les ai jamais testées pour beaucoup. Ayant démarré seul, j'ai vite trouvé mes propres techniques.
 


Ensuite, l'autre activité d'MSM, c'est le custom et là ça porte bien son nom. Il y a aussi bien du clonage simple de références chères ou introuvables que de la création à partir de PCB (Printed Circuit Board), sur stripboard ou PCB du commerce pour quelqu'un qui veut quelque chose de précis sur des versions modifiées ou dérivées de schéma connus. Sans oublier l'intégration de plusieurs effets dans un même boitier. Il y a vraiment de tout car il y a tous les genres de demandes. 
 

KB : As-tu déjà eu des problèmes avec des constructeurs officiels par rapport à tes activités ? Concrètement, c’est légal de modifier une pédale et de la vendre ?

G : On peut modifier les circuits électroniques des pédales sans soucis. Les circuits sont relativement simples et il n'y a pas vraiment de question de brevet.

KB : Concrètement, comment se passe une journée de travail pour toi ? Comment s’organise ton atelier ? 

G : Concrètement, c'est multi casquette. L'artisanat c'est savoir et devoir tout faire tout seul. On pourrait croire de l'extérieur que c'est toujours la même chose mais que nenni ! Il y a pas mal d'activités et les journées ne se ressemblent pas.  Si il y a un rituel par contre, c'est que je commence ma journée par la lecture de mes mails et des réseaux sociaux. Je tiens à rester disponible. Il n'y a rien de plus laborieux que quelqu'un qui met quinze jours à répondre surtout aujourd'hui où tout va très vite. Je ne me laisse jamais déborder de mails.

Ensuite, je consacre ma journée, surtout le matin, à la "bureaucratie" c'est-à-dire aux devis, aux factures, à la préparation et à l'envoi des colis. Le reste de la journée, c'est devant le fer à souder. Je travaille aussi sur la conception, l'infographie et les finitions esthétiques de mes pédales que je mets en valeur à travers mes vidéos de démonstrations. Sans oublier les clients que je reçois à l'atelier. En plus de ça, je dois répondre à des interviews. C'est du boulot (Rires) !

KB : Combien de pédales réalises-tu en moyenne par jour ?

G : Des modifs, j'en fais plusieurs tous les jours, c'est un peu le fil rouge d'MSM. Je dirais de 3 à 7.  Et en parallèle il y a les fabrications de modèles customs. Et la ça va dépendre du travail à effectuer. Un switch par exemple va être fait dans la journée. Une pédale custom, avec son esthétisme, va être concrètement réalisée sur 3 à 5 jours. Il y a un travail d'infographie avec le client pour cerner ses envies, ensuite la partie électronique à monter, puis enfin l'intégration dans le boitier une fois décorée et vernie. Donc, leur réalisation s'étalent.
 


KB : Quelle pédale est la plus facile à modifier pour toi ? Quelle est la plus difficile à transformer ?

G : Je dirais que les plus faciles sont peut être les Boss parce que je les connais au-delà du par cœur. Je peux reconnaitre un modèle et sa décennie de fabrication rien qu'à ses soudures (Rires) !
 


 

La plus difficile, c'est la nouvelle génération d'effet en CMS (mini composants). Je souffre de problèmes de vue récurrents avec MSM et la petitesse des pièces est un vrai problème. Je refuse les travaux pour beaucoup.

KB : Quel modèle as-tu crée de A à Z dont tu es plus fier ?

G : La Brouillon je pense. Elle est capable de tous les styles de drive, du crunch propre à la fuzz déconstruite.

KB : Quelles modifications et créations sont les plus demandées par tes clients ? 

G : Pour être très général, les saturations. Le secteur où les guitaristes sont les plus exigeants à n'en point douter. En terme de modif, ce sont les grands classiques : BOSS DS-1, CS-3, GE-7, Crybaby, RAT... Increvables ! Pour les créations, ce sont les clones : Zen Drive Clone, Klon centaur et des effets tendance du moment.
 


 

KB : As-tu des habitués avec qui tu échanges depuis tes débuts ? Reçois-tu des demandes uniquement en France ?

G : J'ai pas mal d'habitués ! Je suis encore de temps en temps en contact avec mon tout premier client. Et oui, je travaille aussi un peu à l'international. Je suis actuellement en projet avec un producteur américain, qui a travaillé avec Bruce Springsteen et Jeff Buckley et dont le premier colis s'est malheureusement perdu ! C'était assez fou de discuter avec lui. 

KB : Où peut-on acheter tes pédales en ligne ? Es-tu présent sur les réseaux sociaux ? Il semble que tu sois très actif sur Youtube pour faire la démonstration de ton catalogue.

G :  Sur le site même de l'atelier et sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram). J'essaie aussi d'être disponible sur les sites spécialisés en occasion. La chaine Youtube "MSMWorkshop" compte plus de 300 vidéos !

KB : Quels sont tes grands projets à venir pour MSM ?

G : Une refonte du site sans doute cette année qui en a bien besoin. Et peut-être une gamme de pédales fixes. J'ai déjà quelques modèles récurrents mais j'aime faire du custom à la demande, c'est ce qui me plait le plus.  Comme je l'ai déjà dis, on a jamais à faire au même travail, en tout cas pas tout à fait, et mon vrai plaisir c'est quand le client voit son rêve se matérialiser conforme à ce qu'il a intellectualisé en amont ! Comme des enfants à Noël. La pédale d'effets, c'est le jouet du guitariste, la gourmandise comme je dis toujours. 
 


KB : Nous achevons doucement cet entretien. Revenons un peu sur toi. Es-tu toi-même musicien ?  Si oui, de quels instruments joues-tu ?

G : Donc non je ne sais pas jouer de guitare du tout (Rires) ! Plus sérieusement, je suis guitariste, batteur et bassiste depuis plus de vingt ans déjà. Depuis trop longtemps déjà (Rires) !

KB : Joues-tu dans un groupe ? As-tu des affinités avec des artistes locaux ? Fréquentes-tu les salles de concerts et les bars de la ville ?

G : Avant MSM, je jouais beaucoup en groupe. J'ai même enregistré une maquette avec Stéphane Buriez de Loudblast. Aujourd'hui, je joue de temps en temps. J'étais batteur il y a quelques mois dans mon dernier « groop » (Ils comprendront (Rires)) mais depuis MSM je suis moins actif en tant que musicien. La raison est simple : je passe la semaine avec des guitares ou des pédales dans les mains, devant un PC ou avec un fer à souder. Le week-end, j'ai envie d'autre chose et de grand air. Je pratique l'astronomie amateur et ça c'est mon vrai bol d'air. Je n'ai pas envie de me renfermer dans un local de répète.

Sinon, je suis en contact avec des groupes qui sont des clients, en demande de service forcément mais j'avoue que je vais moins dans les salles de concerts depuis quelques années en raison notamment du COVID malheureusement.
 

Asylum au grand complet avec Stéphane Buriez

KB : En termes d’écoute, es-tu plutôt vinyle, CD ou streaming ? Quels artistes écoutes-tu actuellement à l’atelier ?

G : Alors je suis multi-plateforme car chaque plateforme correspond à un moment de ma journée ! Quand je travaille avec MSM, c'est du streaming. Je laisse tourner mais j'entends plus que je n'écoute.  C'est un fond d'ambiance. Ma concentration est ailleurs. En voiture, c'est le CD car j'ai encore un lecteur. Et puis quand j'écoute activement, c'est ma platine vinyle, aux enceintes ou au casque, pour le pur plaisir de la musique sans faire autre chose. C'est vraiment ce que je préfère car que je suis assez vintage dans mes goûts et dans ma vie en général. 

Pour ce qui est des artistes, j'ai bien peur de ne pas être très original. Je suis dans une de mes "crises AC/DC" en ce moment (Rires) ! J'ai des périodes de "fanitude" complète pour ce groupe depuis que je suis gamin. Je parle carrément d'écoute exclusive ou je ne vais écouter quasiment que ça pendant plusieurs semaines ! J'écoute plus le grain des grattes finalement que le groupe en soi. Je suis vraiment amoureux de leur jeu et de leur son. C'est là que ma logique de gérant d'MSM réapparait. J'ai une écoute « guitaristique » de la musique. Je suis plus dans l'écoute du son que de la musique elle même finalement. Comme pour un bon vieux Black Sabbath...
 


 

KB : Merci d’avoir répondu à mes questions. Pour conclure, je vais te poser une question inutile. Emmanuel Macron est comme toi originaire d’Amiens. Est-il un client fidèle de MSM Workshop ?

G : Et quoi c'est qu'té baves tizote hein ? Mi chu pô originaire d'Amiens chu d'Calais ! Chu du vrai ch'nord misote !  Tout in haut d'eul France vindediouss, va pas racontè des carabistoules a mi !  Li  aleur !  :) 

Interview réalisée par mail en février 2022.
Baron Nichts

 

 

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