Il y’aura tout juste vingt ans en aout prochain, l’album Bossanova marquait l’entrée des Pixies dans la désormais décennie grunge. Marquant l’apothéose du groupe, ce troisième signifiait aussi le début de sa décadence.

     Avant même de l’avoir écouté, une question semble judicieuse. Pourquoi un tel nom ? Bossanova n’a rien de samba, ni de jazz, ni même de brésilien. Il reflète juste le rock intemporel des Pixies. Tout au long leur carrière, les musiciens du groupe ont crée une véritable empreinte qui s’est avérée gagnante. Bossanova en est la meilleure application. Sur les 14 chansons qu’il contient, Frank Black gère toujours la rythmique, jouant frénétiquement et de manière hachée sa guitare au service de couplets calmes et de refrains ravageurs appréciés de Nirvana. Le musicien assure encore un chant entre chuchotements et cris. Les solos de Joey Santiago harmonisent toujours le bloc guitare/basse de Kim Deal et David Lovering. On reconnait d’ailleurs le jeu simpliste de la jeune femme notamment sur la classique Velouria. Dans l’ensemble, une seule différence est à noter. Bossanova sonne plus propre que Surfer Rosa, premier album du groupe. Certes, Les Pixies se sont assagis mais leur fureur est toujours perceptible.

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De gauche à droite : Joey Santiago / Franck Black / Kim Deal / David Lovering

     Cet album est ainsi à l’image de ses créateurs : paradoxale. Aux premiers abords, Bossanova, teinté de surf music, semble plus aérien et planant. Les dernières minutes d’All Over the world en témoigne. Le tempo ralentit. Les voix se font lointaines tandis que les guitares s’habillent d’un effet de reverb réussi. Les paroles traitant de la science fiction, apprécié par le chanteur, confirment d’ailleurs cette atmosphère. Cependant, le calme et la plénitude laisse parfois place à une certaine torpeur. Alors que Is She Weird ? donne l’impression d’avoir été enregistré dans un immeuble abandonné et vétuste dans une banlieue désaffectée, Rock Music prolonge ce climat malsain. Les hurlements de Black, à peine couvert par Santiago, n’y sont pas étrangers. En somme, Bossanova est un album typiquement « Pixiens », mais riche en tonalités. Le quatuor a sans doute en ce début des années 90 atteint une certaine maturité qu’il ne retrouvera plus par la suite.

 Le calme avant la tempête

 http://eyesore.no/tfdi/4ad-pics/Pixies.Bossanova.cd.jpg    Bossanova est en somme le chef d’œuvre oublié des Pixies. Le succès mitigé qu’il a suscité fait de lui le Poil de carotte du groupe. Seule la presse a senti sa puissance et sa qualité. Alors que le magazine anglais Sounds sacre Bossanova album de l’année 1990, les louanges pleuvent aussi de la part des journalistes de NME et de Rolling Stones. Pourtant, les messies prêchent dans le vide. Le public ne reconnaît déjà plus la musique des Pixies. Seul le Royaume-Uni goute son plaisir. L’album atteint très vite là bas la 3éme place de l’UK Album Chart. La reconnaissance est d’autant plus immédiate lorsque le groupe se produit en tête d’affiche du festival de Reading. A l’inverse, de l’autre côté de l’Atlantique, la reconnaissance n’aura jamais lieu. Bossanova culminera seulement à la 70éme place du Billboard 2000 américain. La place est tout juste honorifique.

Pour les membres du groupe, il y aura aussi un avant et après Bossanova. Déjà avant l’année 90, les premières tensions s’étaient affirmés entre Deal et Black lors de la dernière date de la tournée américaine. Pendant les enregistrements, elles prennent de l’ampleur. La musicienne accuse son nouvel ennemi de despotisme musical. Propos confirmés lorsque l’on sait que Black crée seul les musiques du groupe La sortie de l’album aurait pu les calmer. Il n’en sera rien. Le point de non-retour est atteint. Deal par pur provocation annonce carrément la séparation du groupe. Il n’en sera rien, jusqu’en en janvier 93. Après un Trompe le monde franchement moins enthousiaste, les Pixies se séparent en plein épopée grunge qu’ils ont initié. Bossanova le réussi était en réalité Bossanova le maudit.

Al.

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